Lettre à L.
Un jour Noé a décidé de partir vivre chez son père. Il y avait sa petite sœur et surtout l’école, des parents qui ne travaillaient pas, un environnement propre, calme, vert..la vie tranquille et suisse.
Je l’ai suivi. Pendant 1 an. Puis je lui ai dit que je ne pouvais vraiment pas vivre en suisse, qu’il ne fallait pas m’en vouloir. Il a compris. J’ai laissé mes affaires dans un garde meuble, de l’autre côté de la frontière et je suis partie. J’ai voyagé pendant près d’un an entre l’Indonésie, l’Inde et le canada avec des retours en Europe pour voir mon fils.
Après ça, je n’avais plus un rond. Je suis retournée à Paris. Je ne voulais pas mais je n’avais pas vraiment le choix. C’était le plus simple et vue mon métier l’endroit le plus facile pour trouver du travail et gagner de l’argent.
Ça a duré deux ans. Jusqu’à ce que l’absurdité de la vie parisienne et la vacuité du monde des grandes entreprises me deviennent intolérables. Je voulais bien vendre mon cerveau mais pas pour ça.
J’ai rejoint ma meilleure amie à Toulouse, dans une maison du centre ville une grande colocation. C’était chouette mais je n’avais toujours pas assez d’argent pour me permettre de ne pas faire un travail alimentaire. Je ne voulais pas retourner à un boulot de cadre parce que je souhaitais utiliser mes talents des fins plus louables que perpetrer un système auquel je ne crois pas. J’ai fait des petits boulots et constatés que les gens étaient toujours aussi débiles ce qui ne cessent de me surprendre, mais aussi malheureux, perdus,impuissant. Je me suis aussi découverte autrement.
Mon mec m’a rejoint et après une semaine nous partions pour Marseille. C’était il y a un an.
Telle la fille prodigue j’ai débarquée dans le même appartement que mon père en 62. Un drôle de moment, un peu triste. Mon grand père s’était donné la mort là. Je sais c’est un peu trop noir pour toi, mais c’est vrai. Pendant trois mois, j’ai pleuré, beaucoup pleuré, une tristesse inextinguible venue de de nulle part. L’homme avec lequel je vis depuis bientôt 8 ans était totalement démuni face à un désespoir qu’il ne comprenait pas, que je ne comprenais.
Et puis il y a eu l’histoire des dix petits nègres. C’est comme cela que mon père l’a appelée et ça m’a beaucoup fait rire. Un soir nous rentrions Christophe et moi dans notre quartier mal famé mais somme toute pas pire que certains coin de Paris ou sa banlieue. nous marchions sur des trottoirs opposés parce que Sortie du centre et des beaux quartiers, la majorité des trottoirs marseillais sont impraticables. Quand une dizaine de petits noirs à peine pubères (13, 14,15 ans maximum) m’est tombée dessus et a tenté de me prendre mon sac à dos préféré, vraiment top classe , un cadeau que je balade partout depuis des années. J’ai vu rouge. Je me suis accrochée à mon sac dans lequel était mon seul bien (les clés de l’appart) et j’ai commencé à les enchaîner sur le fait qu’il était débile de vouloir dépouiller des pauvres. Entre temps mon copain qui ne m’avait pas attendu pour envoyer une droite au gamin qui tirait sur mon sac était prêt à sauter sur le premier qui bougeait. Bref des voitures se sont arrêtées, nous nous sommes tirés mais j’étais hors de moi. Ces petits cons m’avaient attaquée alors que j’étais totalement faible et désespérée. Et parce qu’il pensait que j’étais seule. Je trouvais ça vraiment très moche.
De ce jour j’ai arrêté de pleurer et décidé de conquérir cette putain de ville.
C’est comme ça que j’en suis tombée amoureuse.
De son côté Noé est heureux je crois. C’est dur d’être séparés, pour tous les deux. Mais il me comprend, il m’accepte et j’essaie de faire de même. Pour l’instant, l’adolescence ne nous a pas encore séparé. Nous nous retrouvons à peu près toutes les 6 semaines à Nice chez ma mère (parce qu’il n’y a pas de vol direct Marseille Zurich) et nous passons toutes les vacances scolaires ensemble (à Marseille). C’est aussi pour cela que je ne veux plus travailler comme salariée. J’emmerde profond tout le monde quand il s’agit de mon fils je dois dire. Il est grand, déjà 1m80, il est magnifique, un beau brun aux yeux bleus, il est drôle, intelligent et moqueur. Il est paresseux, rêveur, il aime glander avec ses potes, l’école le gonfle. On s’appelle presque tous les jours et notre relation est très tendre. Je l’aime, il m’aime. L’amour c’est parfois facile.
A ton tour de raconter.