Mythologie personnelle 2
J’étais une enfant heureuse, espiègle et douce. Bonne élève, affectueuse, autonome. Une petite perle avec de long cheveux bruns. Je donnais le change, j’allais à l’école, au conservatoire, à l’atelier d’art, j’étais aimable et vive. Mais à l’intérieur j’étais pleine de rêves, d’aventures, de passions, de grandeurs. J’étais curieuse du monde qui m’entourait. Je voulais percer son mystère, comprendre sa mécanique. Mais quelque chose obscurément m’échappait. Quelque chose de terrifiant. Peu à peu j’allais en comprendre le sens et la nature, mais à l’époque je n’avais aucune clé pour éclaircir cette énigme.
Et puis ma mère a faillit mourir. Vraiment. Elle a passé 2 mois dans le coma. Mon père m’a éloignée. Loin, très loin. J’avais 8 ans.
C’est à cette époque que Fatima est entrée dans ma vie. Elle était portugaise et débarquée à peine de Porto. Elle avait appris les quelques mots de français qu’elle connaissait au comptoir d’un bar du sentier dans lequel elle avait travaillé en arrivant en France. En l’occurrence, son vocabulaire se réduisait à quelques insanités de comptoir. Pour une raison que j’ignore, ma mère qui était alors encore en convalescence et qui est d’habitude assez à cheval sur les conventions sociales, l’a embauchée pour nous garder après l’école et faire le ménage.
Ce fut un véritable coup de foudre. Pour mon frère comme pour moi. Elle n’avait de cesse de nous insulter vertement avec un accent adorable et une tendresse infinie et brutale et nous a aimés sans condition aucune.
Elle nous insulte encore, elle nous aime toujours, elle fait partie de notre histoire.
J’ai gardé d’elle ce goût pour la trivialité, les insanités et le tutoiement sincère et droit.